Oui, par un chemin détourné, le mormonisme a fini par interdire à ses membres toutes les boissons contenant de la caféine, y compris les boissons gazeuses populaires.

Le 27 février 1833, Joseph Smith a fait part d'une révélation connue sous le nom de "Parole de Sagesse", qui est désormais inscrite dans les Écritures mormones sous le nom de Doctrine et Alliances 89.

Les anciens de la première Église mormone se réunissaient dans une pièce située au-dessus de la maison de Joseph et Emma Smith à Kirtland, dans l'Ohio. Après avoir fumé la pipe, ils mâchaient de grandes bouchées de tabac et crachaient sur le sol. La femme de Smith n'était pas très contente de devoir nettoyer ce désordre, et Smith l'a calmée en "interrogeant le Seigneur" (voir Brigham Young ; Journal of Discourses 12:157-158).

La "révélation" qui en a résulté aurait été donnée "non par commandement ou contrainte", mais comme un avis ou un conseil selon lequel les membres ne devraient désormais plus consommer de tabac, d'alcool ou de "boissons chaudes", c'est-à-dire de café et de thé. Plus tard, les prophètes ont considéré que cela s'appliquait également au café ou au thé froid et que cela s'étendait également aux colas contenant de la caféine.

Les céréales et les légumes sont particulièrement recommandés. Selon la Parole de Sagesse, la viande devait être consommée avec parcimonie, et seulement en hiver et en période de famine. La "révélation" promettait que ceux qui la suivraient "trouveraient la sagesse et de grands trésors de connaissance".

Les mormons vantent la Parole de Sagesse comme un cas où Dieu les protège des problèmes de santé liés à l'alcool, au tabac et à la caféine (tous ces produits étaient déjà attaqués pour des raisons de santé dans l'Amérique du 19e siècle). Pourtant, le Dieu mormon n'était apparemment pas assez clairvoyant pour informer ses adeptes des dangers du sel, de la graisse et du cholestérol.

Au début, la "Parole de sagesse" n'était présentée que comme un conseil, sans avoir force de loi. Mais le "conseil" de Dieu a rapidement pris la forme d'un commandement.

Le respect de la Parole de Sagesse était sporadique, même de la part de Smith et d'autres dirigeants de la première heure. En 1930, cependant, elle est devenue plus rigoureuse. Elle est désormais prescrite "par ... contrainte" et non plus comme un simple conseil. Avant le baptême d'un candidat, celui-ci est interrogé par un missionnaire principal qui lui pose des questions, notamment sur son respect de la Parole de Sagesse. Par exemple, s'est-il abstenu de consommer de l'alcool, du tabac, du café et du thé ? Depuis des décennies, il est demandé aux membres, lors de leurs entretiens annuels avec les autorités de l'Église, s'ils respectent la Parole de Sagesse. S'ils ne le font pas - à l'exception de l'interdiction de la viande, qui est passée inaperçue -, ils n'ont pas le droit d'aller au temple ni d'occuper des postes de direction au sein de l'Église.

Selon les mormons, cela a de graves conséquences, car si un mormon ne fait pas son "travail au temple", il ne pourra pas, dans l'autre vie, accéder à la divinité. Si Joseph Smith a pu consommer de l'alcool, du tabac et du café, même après le "don" de la Parole de Sagesse, aucun mormon ne le peut aujourd'hui, sous peine de devenir un citoyen de seconde zone dans l'au-delà.

Bien entendu, l'interdiction mormone de certains aliments contraste fortement avec le point de vue biblique et chrétien. Bien que Paul exhorte à la modération (Ph 4,5) et que l'abstinence périodique de nourriture puisse être une discipline spirituelle saine (Dn 10,2-3), la Bible maintient fermement que tous les aliments doivent être reçus avec action de grâces : "En effet, tout ce qui a été créé par Dieu est bon, et rien n'est à rejeter s'il est reçu avec action de grâces" (1 Tm 4,4). Plus précisément, dans le cadre de la liberté chrétienne, Paul nous ordonne de ne pas nous laisser imposer des lois alimentaires pour des raisons religieuses : "Que personne ne vous juge donc en matière de viande ou de boisson" (Col 2,16). Cela inclut même l'alcool, à condition qu'il soit consommé avec modération. Plutôt que de condamner la consommation d'alcool, par exemple, la Bible l'autorise clairement et la conseille même (1 Tm 3:8, 5:23 ; Ti 2:3 ; 1 Pt 4:3 ; également Dt 14:24-26 ; Prv 31:6-7).